Saturday, April 16, 2016

Les Langues Vernaculaires Au-Delà des Frontières

Culture
Langues locales
Cameroun



Dynamique et ambitieuse, Stéphie-Rose Nyot Nyot, jeune franco-camerounaise, spécialiste en communication internationale, valorise la langue bassa, l'une des nombreuses langues locales du Cameroun, via Facebook.

 Grandir loin de chez soi n'est pas toujours une tâche aisée. Cela requiert parfois de gros efforts pour découvrir, s'adapter et/ou embrasser de nouvelles cultures. La période de transition est très souvent difficile pour les jeunes étudiants par exemple, qui doivent quitter le cocon familial pour poursuivre leurs études à l'étranger. Et pour eux, l'un des obstacles les plus contraignants est celui de la langue. Le fait de ne quasiment rien comprendre de ce qui se passe autour d'eux, de même que la difficulté à pouvoir s'exprimer clairement, les amène parfois à se questionner sur leur identité. Et c'est dans cette quête de réponses qu'un retour aux sources est parfois imparable. Mais là encore, on replonge dans un contexte qu'on a peu connu ou déjà oublié et le problème de la langue, maternelle cette fois, ressurgit. Tel est le cas de Stéphie-Rose Nyot Nyot, une jeune franco-camerounaise, à la genèse de la page Facebook intitulée "Je Parle Le Bassa 2.0", qui essaye de combler à sa manière cette crise identitaire matérialisée par son "incapacité" à s'exprimer en bassa, la langue de ses parents. Afin de nous édifier sur la teneur de son projet, cette dernière s'est entretenue avec moi dans un entretien dont voici l'extrait exclusif:


Bonjour Stéphie-Rose Nyot Nyot, merci d’avoir accepté de m’accorder cette interview.

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs ?

Mon nom est Stéphie-Rose Nyot Nyot, je suis franco-camerounaise, spécialiste en communication internationale.

Vous êtes la créatrice de la page Facebook Je parle le Bassa 2.0. Pouvez-vous nous en-dire plus ? Comment est né ce projet ? Comment l’avez- vous réalisé ?

Après avoir passé un certain nombre d’années à l’étranger, loin de mon cocon familial, je commençais à ressentir un besoin identitaire qui se matérialisa par mon incapacité à m’exprimer en bassa, langue de mes parents.
En 2013, je fis plusieurs recherches afin de trouver des supports me permettant de combler cette gêne, n’étant pas satisfaite des ressources disponibles, j’ai décidé d’allier réseaux sociaux et langues ancestrales afin de créer un projet participatif en l’occurrence ce forum de partage.


Avez- vous fait face à des difficultés ?
Je parle le bassa 2.0, qui est un concept protégé, rassemble désormais plus de 7000 personnes. Le devoir de mémoire que nous entreprenons fait face à un succès grandissant. De ce fait, de nouveaux outils pédagogiques doivent être lancés afin de répondre à la demande accrue de nos abonnés, de recruter de nouveaux intéressés, globalement d'atteindre une nouvelle étape, un nouveau dynamisme. Depuis peu, nous avons lancé une campagne de financement participatif (28 mars-18 mai) pour pallier aux futures difficultés financières sur la plateforme Kiss Kiss Bank Bank qui servira entre autres à :
Développer un site web en français et en anglais, afin d’acquérir une visibilité internationale
Développer une application mobile, qui permettra aux utilisateurs d’apprendre le bassa en tout temps et en tout lieu. A travers cette application qui contiendra des exercices, les abonnés auront l’occasion de jauger leurs niveaux
Créer un réseau pour apprendre à parler d’autres langues camerounaises/africaines qui seront par la suite intégrées au site web

Si oui, lesquelles?

Sans financement, nous ne serons pas en mesure de développer JPLB 2.0 au-delà de Facebook. Ce projet mérite un rayonnement et une attention international. La protection et la préservation des langues africaines est une thématique identitaire profonde qui se doit de concerner un maximum de personnes.

Quels moyens avez-vous employé pour accroître la visibilité de votre page?
Facebook par son système de partages, de marquages et de société à favoriser une visibilité naturelle. Tout cela ajouté à un relai médias et à la qualité des cours et de l’écoute proposés.

Pourquoi ne pas avoir créer un site plutôt qu’une page Facebook?
Facebook est une plateforme bien plus virale que les sites web selon nous. Désormais nous sommes prêts à passer à l’étape de la création d’un site web qui proposera un ancrage disons plus ‘’professionnel’’

Comment voyez-vous l’évolution de cette plateforme qui a vocation à protéger le patrimoine culturel que représente la langue bassa?

Je vous invite à visiter notre campagne de financement participatif qui a pour but le développement de nouveaux supports pédagogiques et interactifs ainsi qu’à l’ajout d’une langue.

Pensez-vous collaborer avec d’autres plateformes d’apprentissage de la langue bassa afin de réaliser des projets de plus grande envergure?
Nous sommes ouverts à toute proposition sérieuse et motivée.

Vous dîtes ‘nous’, devrions-nous comprendre que vous avez des partenaires ou collaborateurs?
Le projet est piloté avec l'aide de ses parents qui maîtrisent la langue bassa. Les abonnés ont également un rôle majeur dans le pilotage de celui-ci

Si l'on veut vous aider à financer votre projet, que faut-il faire?
Il s'agit d'une campagne de financement participatif, de ce fait le meilleur moyen de nous aider reste de faire des dons.

Quels conseils donneriez-vous en ce qui concerne l’importance du patrimoine culturel en général et des langues vernaculaires en particulier, notamment pour ceux qui sont loin de chez eux?
Peu importe où l’on se trouve, il est important de se rappeler d’où l’on vient. S’il nous est difficile de remonter constamment à la source, il est de notre devoir de trouver des parades, des méthodes de compensation le permettant. Concernant la langue JPLB 2.0 est une option pour tous les bassa et nous espérons prochainement pour d’autres langues. Il est également important de passer du temps avec ceux qui savent, les anciens et de se rendre dans des structures appropriés tels que des musées, des centres culturels.



Merci pour cet entretien